L’estuaire de la Seine représente le débouché dans la mer
du bassin-versant le plus urbanisé de France puisque le fleuve traverse
toute la région parisienne avant de se diriger vers la Normandie où
deux grandes villes, encore, se trouvent sur son chemin : Rouen et le
Havre. Ces deux villes sont toutes deux dotées d’un port de commerce
maritime (bien que Rouen soit situé assez loin à l’intérieur des terres)
et d’une importante zone industrialo-portuaire marquée par la forte
présence de l’industrie pétrochimique. Dans la partie terminale de
l’estuaire, où se trouvent le port et la zone industrielle du Havre, une
évolution remarquable a eu lieu à la toute fin du XXe siècle lorsque la
décision a été prise de mettre en œuvre, de manière concomitante,
deux grands projets pourtant contradictoires entre eux : la
construction d’un immense bassin (sans passage d’écluse) pour
accueillir les plus grands porte-conteneurs et le classement en réserve
naturelle d’une vaste surface de zones humides qui avaient été
destinées jusque-là aux éventuels futurs agrandissements du port du
Havre. La réserve naturelle de l’estuaire de la Seine a ainsi été créée à
la toute fin de l’année 1997 avec une superficie de 3768 ha. Cette
superficie a été portée à 8528 ha en 2004 ce qui en fait l’une des plus
vastes réserves naturelles de France métropolitaine. Outre le fait
qu’elle soit située dans une région très urbanisée et très industrialisée
(ce qui la distingue par exemple nettement de la réserve naturelle du
delta du Danube), cette réserve se caractérise par la présence
importante d’ « usagers » à l’intérieur même de ses limites : chasseurs,
agriculteurs, coupeurs de roseaux. Le grand nombre de chasseurs dans
la réserve (1800 environ, pratiquant la chasse au gabion dans 200
mares aménagées à cet effet) semble tout à fait contradictoire avec
l’existence de la réserve naturelle mais cette activité existait bien avant
sa création et il ne pouvait être question d’y mettre fin. De même, une
centaine de parcelles agricoles occupe certaines parties de la réserve
naturelle et les agriculteurs y ont conservé leur activité, moyennant
bien sûr un certain nombre de contraintes liées au classement en
réserve naturelle. Le gestionnaire de cette réserve (la « Maison de
l’estuaire ») est ainsi confronté à la difficulté de gérer une zone humide
protégée tout en négociant en permanence avec les différents acteurs
qui y ont conservé leur activité.